Président de la ligue de football professionnel (LFP), Salif Bictogo est un dirigeant bien connu du football ivoirien et africain. Pendant une vingtaine d’années, il a été président du bureau exécutif du Stella club d’Adjamé (NDLR : Adjamé est un quartier populaire d’Abidjan) qui a fourni de grands joueurs du football voire africain dont l’emblématique capitaine Gadji Céli Saint Joseph ou encore Abdoulaye Traoré « Ben Badi », tous vainqueurs de la CAN Sénégal 92 et le Burkinabè Ibrahim Tallé avant de céder son fauteuil et d’être désormais président du conseil d’administration suite à sa nomination à la présidence de la LFP. A la faveur de la double confrontation Etalons – Hirondelles en éliminatoires de la CAN 2025 jouée à Abidjan, letalon.net a saisi l’occasion pour échanger Salif Bictogo sur l’expérience de la LFP et aussi de son club.
Letalon.net : Comment se porte aujourd’hui la ligue de football professionnelle (LFP) et quelles sont les innovations apportées depuis votre arrivée à la présidence ?
Salif Bictogo : Depuis que nous sommes arrivé à la FIF avec la confiance du président Idriss Diallo qui m’a confié la tâche de la ligue de football professionnel depuis deux ans, nous essayons de faire évoluer les choses comme nous l’entendons. Pour la circonstance, je tiens à féliciter mes prédécesseurs qui ont eu l’initiative de créer cette ligue à savoir le président Jacques Anouma, feu le président Sory Diabaté. Aujourd’hui, nous essayons d’apporter notre pierre à l’édifice et la première chose que nous avons souhaité corriger, c’était au niveau du respect du calendrier national. C’est ainsi que nous arrivons à organiser le championnat national de bout en bout sans discontinuer. Grâce au président Idriss Diallo, nous avons renoué le contrat avec Canal+ plus qui retransmet nos matchs de championnat en direct. Nous avons aussi fait de telle sorte que pour la suspension d’un joueur dans le championnat, le nombre de cartons jaunes soit porté à trois. En plus, nous avons de meilleurs stades grâce aux investissements de l’Etat de Côte d’Ivoire. Une autre innovation est que nous avons fait en sorte que les clubs, en accord avec leurs dirigeants, puissent permettre à leurs 200 supporters, qui sont titulaires de carte de supporter, d’entrer au stade sans payer afin de créer de l’engouement au niveau des supporters. Ce qui va permettre aux clubs de se faire des revenus et créer le spectacle parce que les joueurs ne se s’épanouissent que lorsqu’il y a du monde dans les gradins. Depuis deux ans et avec l’accord du comité exécutif de la FIF et de son président, la cagnotte des droits télé pour la subvention est passée à 100 millions de FCFA pour les clubs de ligue 1 et 50 millions de FCFA pour ceux de la ligue 2.
Est-ce qu’il y a une particularité pour la saison 2024-2025 ?
Depuis deux ans, nous avons travaillé de sorte à ce que la Côte d’Ivoire se retrouve avec quatre représentants en compétitions africaines de clubs et c’est ce qui se réalise pour cette saison 2024-2025. Cela fait une dizaine d’années que nous n’en avions plus. En plus, nous avons plaidé auprès du président du comité exécutif pour accompagner ces clubs en campagne africaine. Ainsi et en dehors de la subvention de 100 millions de FCFA, le club champion, engagé en ligue des champions de la CAF, perçoit prime de son sacre une somme de 25 millions de FCFA et la fédération remet au club la somme de 25 millions de FCFA pour le recrutement. Ce qui fait une cagnotte de 50 millions de FCFA. Le deuxième club engagé en ligue des champions reçoit uniquement 25 millions de FCFA pour le recrutement. Les clubs engagés en coupe de la Confédération de la CAF ont 15 millions de FCFA chacun comme accompagnement. Et tous ces clubs reçoivent chacun 2,5 millions de FCFA à chaque tour pour continuer de se préparer. Des choses qui ont été faites et que nous reprenons avec l’accord du comité exécutif tout en espérant faire plus.
La ligue de football professionnel est-elle autonome sur le plan de son fonctionnement et de son budget ?
Il faut relever que la ligue est autonome sur le plan administratif. Pour ce qui est du budget, nous l’élaborons au niveau de la ligue que nous insérons dans un budget général de la FIF puisqu’il y a l’unicité des caisses. Nous sommes un démembrement de la fédération qui nous donne toute la latitude de travailler.
Vous vous donnez combien de temps pour que la LFP soit totalement autonome et que le football ivoirien soit véritablement professionnel ?
Aujourd’hui, il y a des prémices avec par exemple les droits télé et le partenariat avec Canal+ plus qui a signé avec la fédération mais, pour le compte de la ligue de football professionnel. Tout se fait de manière évolutive. Si nous devons passer à l’autonomie complète, cela voudrait dire que le président de la ligue doit être élu par ses pairs, avoir une autonomie financière et cela signifie qu’il faudra signer les contrats directement avec les sponsors. La plupart des sponsors sous nos tropiques ne viennent pas assez nombreux et ce sont des choses à corriger. Dans ce sens, il y a une volonté politique qui doit pouvoir nous aider à atteindre ce palier. Par exemple, je trouve inconcevable que de grandes sociétés, qui sponsorisent des clubs en Europe et qui sont basées sur le continent, ne le font pas pour des clubs africains. C’est du deux poids deux mesures puisqu’elles font des chiffres d’affaires dans nos pays.
Quel est l’impact du partenariat avec Canal plus dans l’organisation du championnat national et des clubs ?
L’impact de Canal plus est très important puisque cela permet depuis l’Europe que les gens puissent suivre notre championnat de même que dans certains pays arabes et bien d’autres continents. Ce qui met en vitrine nos joueurs. Au niveau de l’organisation de la compétition, nous sommes très regardants. Et nous sommes un des rares pays du continent où avant de démarrer le championnat, il y a des conditionnalités à respecter. Ainsi, chaque club doit avoir sa licence de club demandée par la CAF, un compte certifié, posséder toutes les catégories de jeunes, une équipe féminine, un siège avec toute une administration, un collège d’entraineurs, un centre de formation. Tout cela concourt à l’évolution de notre football actuellement.
Dans nos pays au Sud du Sahara, les fédérations mettent beaucoup l’accent sur leur équipe nationale au détriment du championnat local. A la FIF, qu’est-ce qui est fait pour équilibrer quelque part les choses ?
Au niveau de la Côte d’Ivoire et par la grâce de Dieu, nous n’avons jamais eu d’interruption de championnat sinon qu’il y a une certaine catégorie qui ne jouait pas à une certaine époque mais, depuis deux ans que nous sommes là, toutes les compétitions se jouent. Ainsi, nous avons les compétitions de la ligue 1 avec 16 clubs et de la ligue 2 qui regroupent 28 clubs cette saison et elles sont toutes professionnelles. Il y a la D3 dirigée par un président de la ligue de foot amateur avec 40 clubs et qui coiffe également les championnats régionaux avec 117 clubs et nous avons aussi 418 clubs en districts qui compétissent tous. Nous avons la commission du foot féminin qui regroupe la ligue 1 composée de 14 clubs et la ligue 2 avec 24 clubs. A noter qu’il y a eu le championnat des U20 l’année dernière et les U17 auront leur championnat cette saison dans chaque région de la Côte d’Ivoire et organisés par nos 12 présidents de ligues. Nous aurons également un championnat de réserves. Cela est la preuve que toutes nos catégories jouent depuis deux ans. De passage au siège de la CAF en Egypte, il y a environ deux mois, j’ai demandé au responsable des compétitions, comment se fait-il que des pays, sans championnat, ont des représentants en compétitions africaines de clubs. Il faut imposer des conditions pour contribuer au développement de nos championnats. J’ai aussi abordé la compétition du CHAN et à ce sujet, j’ai fait savoir qu’on ne doit pas faire l’apartheid du football. Pour moi, il n’y a pas une CAN pour les professionnels et une autre pour les locaux. Face à cette situation, pourquoi ne pas instaurer des quotas aux pays pour qu’ils prennent un minimum de locaux dans les équipes nationales A. Ce qui va susciter de l’émulation et donner davantage de la valeur à nos championnats.
Le Stella club d’Adjamé, dont vous avez été le président et actuellement président du conseil d’administration, semble avoir perdu son lustre d’antan. Qu’est-ce qui est fait pour que ce club retrouve sa place qui était la sienne parmi les meilleurs de Côte d’Ivoire ?
J’ai hérité du Stella en 2000 lorsque ce club descendait pour la première fois en ligue 2 et donc, il fallait le reconstruire. Ce que nous avons fait et participé à des compétitions africaines de 2004 à 2008 et cela nous a permis de redorer le blason de notre club. En 2012, nous avons remporté la coupe nationale qui nous permettait de participer à une coupe africaine, avec en plus une demi-finale en coupe UFOA. En 2015, le Stella est redescendu en ligue 2 pour des raisons extra sportives suite à des antagonismes qui sont nés et restés très durs suite à ma candidature à la présidence de la FIF en 2011. Par la suite, nous avons rebondi en 2019 et depuis lors, nous sommes en ligue 1. En 2022, je suis devenu PCA du club et il y a un président délégué qui gère au quotidien le Stella qui va revenir très fort. Sachez que le Stella club est vainqueur de la coupe CAF (NDLR : actuel coupe de la Confédération de la CAF) en 1993 devant le Simba SC.
Quels sont les joueurs burkinabè qui ont marqué de leur passage, le Stella club ?
Le joueur burkinabè le plus emblématique qui a fait les beaux jours du Stella club d’Adjamé n’est autre que le gardien de but Laurent Ouédraogo. Je ne l’ai pas connu personnellement puisque je n’étais pas encore dirigeant du club mais sous ma présidence, j’ai eu le jeune Halifa Sedego qui est retourné au Burkina. Pour cette saison 2024-2025, nous avons recruté un attaquant burkinabè, Alassane Zeba dit Rougeo qui est venu se relancer après une expérience professionnelle en Europe. Il faut aussi dire que le Stella club a fourni de grands joueurs à l’équipe nationale du Burkina que sont Ibrahim Tallé et Mohamed Koffi qui, lui, a joué sous ma présidence.
Interview réalisée à Abidjan par Charles FELIX (www.letalon.net)